Du café dans les campagnes françaises au XVIIIe siècle ? Quelle surprise de découvrir que de pauvres manouvriers étaient propriétaires de deux cafetières. On imaginait les ruraux nés sous la Régence (1715−1723) plus sensibles au feu de l’eau de vie qu’à l’arôme du café. Cafetières, mais aussi tasses de faïence, paysans portant redingote et lunettes, livres relativement nombreux, vêtements aux couleurs vives dès les premières années du siècle, incessants va-et-vient entre la Picardie et Paris, brassages d’hommes, notamment de soldats au service du roi, omniprésence du célèbre tribun Gracchus Babeuf… Ainsi, à l’instar des populations villageoises d’Île-de-France, les Picards ne semblaient guère rétifs à l’innovation. L’introduction dans l’alimentation de la pomme de terre, Cendrillon transformée en fée par les bons soins du célèbre Parmentier et du sieur Dottin, maître de poste de Villers-Bretonneux, ainsi que l’invention d’outils originaux voués à optimiser la production céréalière, paraissent autant d’indices de la dynamique née des échanges entre Paris et les campagnes. La Picardie des Lumières a suscité peu de travaux de la part des historiens. L’histoire du peuple des campagnes, difficile d’accès, demeure largement méconnue. Dans cet ouvrage novateur, l’auteur a donc cherché à appréhender les nouveaux modèles, le cheminement des « novelletés » du Roi-Soleil à Louis Capet, l’influence des Lumières jusqu’au moment où, à la faveur de la Révolution, éclatent violemment les structures sociales en place.