« J’ai, en Grande-Bretagne, de chers amis » écrit Marc Bloch au lendemain de « l’étrange défaite » de 1940 : cet aveu récapitule toute une vie (1886−1944), celle d’un historien majeur du XXe siècle dont l’ouvre a profondément contribué à façonner les contours actuels de la discipline historique, des Rois thaumaturges à la Société féodale en passant par Les Caractères originaux de l’histoire rurale française et la fondation des Annales. Or, si l’on s’est plu à reconnaître l’apport de l’École historique allemande dans cette révolution historiographique, les échanges instaurés avec l’Angleterre avant même la signature de l’Entente cordiale en 1904, et la fascination que ses économistes, juristes, ethnologues ou sociologues exercent à côté des historiens se révèlent tout aussi déterminants que le « modèle » britannique lui-même. L’attraction qu’en subit Marc Bloch, ses contacts et ses séjours répétés, à Londres, Cambridge ou Oxford, cadre d’une rencontre surréaliste avec Ernst Kantorowicz, auprès d’esprits aussi pionniers que celui d’Eileen Power, à l’avant-garde de l’histoire des femmes, de l’histoire économique, ou des mentalités, forment une constante. Intellectuelle, mais aussi existentielle jusqu’à l’engagement ultime face au nazisme. Histoire totale à laquelle n’échappent ni les corps ni les âmes. Le parcours retracé ici se propose dans toute son épaisseur, d’en relire l’un des fondements, passé inaperçu.