À Hà Nội, des médiums – principalement des femmes (bà đồng) – sont très régulièrement possédés par des esprits du panthéon des Quatre Palais (Tứ Phủ), au cours de cérémonies fortement ritualisées (hầu bóng) pendant lesquelles des esprits prennent successivement possession de leur corps. Les médiums servent alors d’intermédiaires entre les esprits et les adeptes venus assister au rituel. Ces rituels sont, avec les pèlerinages vers les temples principaux du Nord du pays, les principales manifestations du culte et s’adressent à des esprits – mandarins, princes ou princesses – considérés comme des héros pour avoir, par le passé, combattu les envahisseurs Chinois. Cet ouvrage vise à mettre en lumière les différents enjeux – personnels, sociaux et culturels – qui se nouent autour de la possession. Il resitue le culte dans le contexte historique et social de la mise sous surveillance des pratiques religieuses dans les années cinquante par le pouvoir communiste, puis de leur libéralisation depuis une vingtaine d’années et de la situation contemporaine paradoxale : entre interdiction théorique et développement de fait. Souvent marginalisé ou ostracisé, le phénomène apparaît pourtant comme central en prenant en charge les infortunes personnelles, la recherche de prospérité, tout en s’inscrivant dans l’histoire et la nation du Viêt Nam par le biais des représentations des esprits.