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Les Élections politiques dans la République de Venise (XVIe-XVIIIe siècle)

Entre justice distributive et corruption

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Venise – c’est la lon­gé­vi­té de cette République sans conflit appa­rent qui lui valut son sobri­quet : la Sérénissime. À en croire le mythe véni­tien, cette incroyable lon­gé­vi­té sereine serait le fruit d’une minu­tieuse hor­lo­ge­rie élec­to­rale alliant tech­niques aris­to­cra­tique et démo­cra­tique pour élire – d’après la litur­gie répu­bli­caine – le meilleur, le plus loyal et le plus capable des patri­ciens. Le pou­voir, conçu comme un bien com­mun à par­ta­ger entre tous les membres de la noblesse, doit être répar­ti entre tous, selon le prin­cipe de la jus­tice distributive.

La pro­cé­dure élec­to­rale était cen­sée être incor­rup­tible et favo­ri­ser l’élection du meilleur sans prendre en compte les inté­rêts fami­liaux, ami­caux ou clien­té­laires. Mais à quoi bon la sophis­ti­quer à l’extrême dans une com­mu­nau­té où le vote indi­vi­duel n’existe pas ?

En paral­lèle à la céré­mo­nie élec­to­rale, s’en dérou­lait une autre à l’ombre des colonnes de la « piaz­za del bro­glio », l’actuelle « piaz­zet­ta de Saint-Marc ». Les patri­ciens avaient l’habitude de s’y réunir, de sol­li­ci­ter les votes de leurs conci­toyens posant leur étole habi­tuel­le­ment tenue sur l’épaule, sur l’avant-bras dans un geste d’humilité.

Le « bro­glio » est ain­si cet espace de manœuvre infor­mel qui per­mit aux patri­ciens de conci­lier les inté­rêts de la famille et des amis avec ceux de la République. Si le « bro­glio » était certes inévi­table, tout n’était pas per­mis, cer­taines pra­tiques étaient tolé­rées plus que d’autres.

La néces­si­té de la sphère infor­melle du « bro­glio » appa­raît incon­tour­nable, per­met­tant aux patri­ciens d’exprimer leurs ambi­tions poli­tiques et aux élec­teurs de connaître les can­di­dats poten­tiels aux charges. Loin de faire concur­rence aux élec­tions, le « bro­glio » les complète.

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