Dans toute colonisation, la terre a été un élément vital de la politique du colonisateur. Le nom « colonisation » renvoie directement aux implantations de colons-agriculteurs romains. Au Vietnam, les enjeux sont également fondamentaux. Le cas du Tonkin est d’autant plus remarquable que la quasi totalité des terres sont déjà cultivées, et propriété des exploitants vietnamiens. L’administration française va devoir jongler en prétextant des « abandons de terres » pour satisfaire les candidats à la colonisation agricole, créant des situations parfois dramatiques, parfois nécessitant des volte-faces éloquentes. L’ouvrage inventorie la totalité des concessions attribuées dans les trois premières décennies de la présence française et livre donc un tableau exhaustif de cet aspect méconnu de la colonisation française en Indochine. Il remet en cause la justification de la colonisation agricole (introduction de nouvelles cultures, de nouvelles techniques, amélioration du sort de la paysannerie vietnamienne) en montrant que les colons français au Tonkin n’ont que rarement été des professionnels mais plus souvent des rentiers de la terre, se contentant souvent de faire cultiver le riz par les mêmes paysans spoliés. Quelques rares colons ont obtenu de réels succès, notamment par l’introduction du caféier. Cette étude est un apport majeur à la connaissance de la colonisation, tout en livrant des aspects concrets et passionnants de celle-ci, et de la vie agricole du Tonkin.