9 mai 1998 : le Racing Club de Lens remporte, pour la première fois de son histoire, le Championnat de France de football. L’ancienne capitale du bassin charbonnier du Nord s’embrase, célébrant, à travers son équipe et la ferveur de ses supporters, la survivance des valeurs du groupe des « Gueules Noires ». « Fiers d’être lensois ! » : l’exclamation est pourtant plus ambiguë qu’il y paraît. Perpétuation effective d’un groupe ouvrier, au-delà de la disparition du monde qui l’avait fondé ? Pure manipulation médiatique, n’occultant guère les transformations d’une équipe en réalité pleinement adaptée aux évolutions contemporaines du football ? Ce livre dessine les mouvements d’un club qui constitue, tout au long du XXe siècle, un lieu conflictuel et changeant. D’abord jouet d’une bourgeoisie établie, il devient ensuite instrument du paternalisme minier, puis support paradoxal d’une appartenance de classe, conspué avant d’être porté aux nues par les militants ouvriers, et pour finir compensation symbolique au déclin social et politique des charbonnages. L’analyse du parcours du club ébauche les traits d’une histoire sociale renouvelée, questionnant les termes à la fois éculés, et toujours problématiques, d’appartenance, de communauté, de mémoire. Elle montre comment nos différentes appartenances (sociales,territoriales, nationales, sexuées, politiques) s’emboîtent ou se déboîtent, de façon toujours provisoire. En confrontant le plus classique, des mineurs érigés en statue figée du prolétariat, et le plus ludique, le ballon et le stade, ce livre donne ainsi un autre aperçu du processus chaotique à travers lequel s’est fait, puis s’est défait, un monde industriel et ouvrier, déjà si éloigné, et pourtant encore si proche de notre présent.