Le présent ouvrage réunit des essais et des articles rédigés au cours de quarante ans de recherches sur la Chine ancienne. Ces écrits, au prix de quelques réaménagements et agencements, fournissent un tableau assez complet de la société chinoise de la période de la fin des Printemps et des Automnes et des Royaumes combattants, non pas dans son évolution, dans son déroulement linéaire, dans sa diachronie, mais dans sa tache, dans son instantanéité spirituelle, c’est-à-dire son essence. C’est en ce sens que ce livre est le double et le contraire d’une histoire de la Chine ancienne, dans ses dimensions événementielles, économiques ou intellectuelles : dans son dessin.
Un premier ensemble réunit des études ayant trait au langage – entendu au sens large des formes de structuration du réel. Ce n’est pas tant le langage dans son rapport à la pensée qui est l’objet de la recherche que la façon dont la pensée chinoise a pensé le langage. C’est ainsi qu’a été isolée une constellation de trois notions cardinales, nourrissant entre elles des relations complexes : le Rite, la Parole et l’Écriture. C’est à partir de cette dialectique triangulaire que le monde et la société ont été appréhendés par les Chinois de l’antiquité selon une rationalité spécifique qui peut être considérée comme le pendant inversé du logos de la tradition grecque.
Le second volet traite encore de la pensée, mais examinée sous un angle plus politique. Étant entendu qu’en Chine il existe une mystique de la Domination, il y est question de la nature transcendante du pouvoir, en raison de l’exacte correspondance établie par l’idéologie absolutiste qui prévaut à l’orée de l’unification entre le fonctionnement de la machine étatique et l’ordre naturel. La conversion en espace administratif des anciens collèges cultuels, loin de dépouiller l’appareil d’État de toute charge sacrale, lui a conféré une dimension transcendante ; il apparaît comme l’opérateur de la diffraction de l’Ordre du Monde dans l’ordre social, si bien que la figure du souverain en vient à coïncider avec le principe indéterminé source de toute détermination.