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Je le dis pour mémoire

Testaments d'Indiens : Lieux d'une justice ordinaire

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À la fin du XVIe siècle, Cajamarca est un « pue­blo de indios » réser­vé aux Indiens. Beaucoup fuient, dis­pa­raissent ou meurent, tan­dis que s’installent des Espagnols dans le chef-lieu de pro­vince que devient le pue­blo au XVIIe siècle, avec près de 10 000 habi­tants. L’ouvrage s’intéresse à la manière dont les non Indiens entre­prennent de légi­ti­mer leur « droit d’être là ». Pour contour­ner les inter­dits régis­sant les rap­ports avec les Indiens – notam­ment les limites à l’acquisition de biens fon­ciers – les Espagnols construisent la légi­ti­mi­té de leur pré­sence, s’arrogeant petit à petit toutes les sphères de gou­ver­ne­ment et la jus­tice ordi­naire des Indiens. Dans ce pro­ces­sus, l’écriture publique indienne, essen­tiel­le­ment faite de tes­ta­ments, devient un enjeu de gou­ver­ne­ment et un lieu de jus­tice : tout en répon­dant aux exi­gences des pres­crip­tions légales et reli­gieuses, les Indiens trouvent là un lieu d’expression de leurs sen­ti­ments et de leurs affects. Ce tra­vail repose sur une ana­lyse de la mise en scène de la volon­té et de l’expression volon­taire d’une jus­tice par la parole indi­vi­duelle qui fait de l’acte un témoi­gnage de soi à voca­tion judi­ciaire. Le gref­fier indien consigne une mémoire des choses pré­sentes. De sorte qu’entre le pou­voir d’obliger les proches à rem­bour­ser des dettes et à garan­tir les funé­railles, et celui de dire « pour mémoire » ce qui vau­dra pour l’avenir, le tes­ta­ment, ins­crit au registre de l’écriture publique, dis­po­nible pour tout regard, appa­raît comme un lieu de jus­tice qui ren­verse le temps de celui qui parle.

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