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Histoire de l’écriture romanisée du vietnamien (1615−1919)

Afin de com­mu­ni­quer avec les autoch­tones, les pre­miers mis­sion­naires jésuites arri­vés au début du XVIIe siècle au Vietnam suivent une méthode com­mune d’apprentissage : com­po­si­tion d’une gram­maire et trans­crip­tion de la langue autoch­tone en alpha­bet latin. Alexandre de Rhodes (1593−1660) a publié en par­ti­cu­lier à Rome en 1651 le Dictionarium Annamiticum Lusitanum, consi­dé­ré comme le texte fon­da­teur de la trans­crip­tion du viet­na­mien en alpha­bet de type latin.  

Les vicaires apos­to­liques fran­çais et les prêtres des Missions Étrangères de Paris s’installent à leur tour en Cochinchine et au Tonkin à par­tir de 1663. Ils fondent un col­lège géné­ral à Ayutthaya (Siam) et des col­lèges locaux au Tonkin dans le but de contri­buer à la for­ma­tion d’un cler­gé autoch­tone, lequel uti­lise l’écriture roma­ni­sée du viet­na­mien. 

En 1858, l’occupation de la Cochinchine par les Français modi­fie en pro­fon­deur la situa­tion poli­tique, lin­guis­tique et cultu­relle du Vietnam. L’écriture roma­ni­sée du viet­na­mien, nom­mée le quốc ngữ, sort du cercle de l’Église ; il est alors intro­duit dans l’enseignement en Cochinchine et devient l’écriture offi­cielle pour la rédac­tion des docu­ments admi­nis­tra­tifs (1882), puis au Tonkin et en Annam (1884−1885). Fort du sou­tien actif des intel­lec­tuels viet­na­miens, le quốc ngữ est alors lar­ge­ment ensei­gné avec pour objec­tif la lutte contre l’analphabétisme. Après l’abolition du sys­tème de recru­te­ment par concours des man­da­rins en 1919, il est sub­sti­tué aux carac­tères chi­nois dans presque toutes les sphères d’activité de la socié­té viet­na­mienne et devient écri­ture offi­cielle natio­nale en 1945.  

Le suc­cès de l’écriture roma­ni­sée du viet­na­mien, inédit dans le monde sou­mis à l’influence cultu­relle de la Chine, est le fruit de deux volon­tés paral­lèles : celle des colons fran­çais qui veulent apprendre plus faci­le­ment le viet­na­mien et rap­pro­cher les cultures viet­na­mienne et fran­çaise, et celle des let­trés viet­na­miens, qui y voient un outil de lutte contre l’analphabétisme et de géné­ra­li­sa­tion de ce que nous appe­lons aujourd’hui la lit­té­ra­tie.

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